Update from Qudus' blog

Mar 4, 2011

UN CORPS EN EXIL

« UN CORPS EN EXIL » Entretien par DAGARA DAKIN, traduit de l'anglais par Latifa Aït Naceur.

Article issu du N°1286-1287 (numéro double), juillet-octobre 2010 : Les migrations subsahariennes
Rubrique : Article de dossier

« L’exil, s’il constitue étrangement un sujet de réflexion fascinant, est terrible à vivre. C’est la fissure à jamais creusée entre l’être humain et sa terre natale, entre l’individu et son vrai foyer, et la tristesse qu’il implique n’est pas surmontable. » Edward W. Said, Réflexions sur l’exil, éd. Actes Sud, p. 241

Diplômé du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne, en tant que danseur acrobate, Qudus Onikeku a été interprète pendant plus de dix ans sur la scène chorégraphique de la capitale nigériane Lagos. Il est, entre autre, à l’initiative - au printemps 2008 - d’un projet au titre évocateur « Do we need Cola Cola to dance ? » qu’il a mené avec une équipe composée d’un photographe, d’une danseuse et d’un vidéaste. Ce projet de danse dans la rue l’a conduit dans sept villes du continent africain. Interprète dans les créations de Heddy Maalem, notamment Le sacre du printemps en 2009, il a tourné en Europe, aux Etats-Unis et au Brésil.

De décembre 2009 à mai 2010, il était en résidence au 104 à Paris, nous l’avons interroger son approche de la notion d’exil, thème qui sous-tend son spectacle intitulé « My Exile is in my head »


Dagara Dakin : Pouvez-vous nous raconter en quelques mots votre parcours, comment vous êtes devenu danseur ?


Qudus Onikeku : J’ai grandi en faisant des acrobaties, en voyant autour de moi les gens faire des « flips », j’ai surtout vu faire des flips arrières। Alors j’ai commencé à les imiter. Je faisais des séries de cinquante à la suite. Je le faisais surtout à l’extérieur car au domicile familial c’était difficile. Je suis le dernier d’une famille de treize enfants et tous me sommaient de m’arrêter de peur que je ne me fasse mal. C’était leur façon de me protéger. J’étais le plus jeune et cela me frustrait car j’avais très envie de faire des acrobaties chez moi. Alors à la moindre occasion, quand on m’envoyait faire des courses, sur le chemin de l’école, je m’exprimais à travers les acrobaties.


D. D : Quelle place a pris la danse dans votre scolarité ?


Q. Onikeku : À l’école, il y avait ce qu’on appelle « les clubs », des lieux d’expression en quelque sorte। Des membres du « clubs » dédié à la culture « Cultural club » étaient venus dans ma classe et m’avaient proposé de les rejoindre. Ils recherchaient des individus qui aient un don artistique du type chant, danse etc. et lorsqu’ils m’ont parlé d’acrobatie, alors j’ai tout de suite souhaité participer. Au sein de ce « Cultural club », je me suis petit à petit intéressé à la danse et j’ai décidé de m’impliquer aussi dans cette discipline.


D. D : Vous avez donc très tôt fait le choix d’une filière artistique…


Q. Onikeku : J’ai été plutôt surpris, car étant inscrit à l’école dans une filière plutôt scientifique j’avais l’impression que des disciplines telles que la danse n’étaient peut-être pas compatible avec ma filière d’origine। Mes parents pensaient d’ailleurs la même chose et jusqu’à la fin du lycée ils m’ont surtout demandé de me focaliser sur les études scientifiques. Je me suis donc beaucoup moins impliqué dans la danse que je considérais comme un divertissement. A 16 ans, j’ai quitté le lycée et là, j’ai pu reprendre la danse plus sérieusement. C’est à ce moment là que j’ai décidé de devenir danseur professionnel.


D. D : Vous venez de clore une résidence de 6 mois au 104 comment vous êtes vous retrouvé dans ce lieu ? Pouvez-vous nous dire comment est né le projet « My Exile is in my head » ?


Q. Onikeku : Le 104 a fait un appel à projet et j’ai postulé. C’était en 2008, année d’ouverture de ce lieu culturel, je finissais mes études au CNAC. Je pensais à ce moment là à traiter de la question des Sans-abri et de la notion de « homeless », d’être sans domicile fixe, le fait d’être toujours un nomade, à la recherche d’un lieu. C’est de là qu’a émergé le projet.

Le titre m’est venu au cours des mois d’avril, mai 2009। Je pensais à cette chose que l’on nomme « Home », la maison. Je me suis posé la question de savoir ce qu’était mon chez-moi. Et en pensant à mon enfance, au caractère polygame de la famille au sein de laquelle j’ai évolué, je me suis rendu compte que très jeune je cherchais déjà ma place.


D. D : Qu’est-ce que l’Exil dont parle le titre de votre spectacle et comment traduire ce concept dans la discipline qu’est la votre?


Q. Onikeku : L’Exil que j’évoque n’a pas seulement à voir avec le fait de voyager, en réalité il a plus trait à un questionnement sur soi, une recherche pour aller à la rencontre de soi, pour se créer selon l’image qui convient à soi-même, de définir ce que l’on veut pour soi-même. L’Exil est selon moi, un passage obligé pour tout artiste. Ça correspond parfois à cette période de la vie où l’on commence à être incompris des gens qui nous entourent, alors commence parfois le genre d’Exil dont je parle.

De nos jours nous vivons dans une société qui nous oblige à nous positionner par rapport à tel ou tel courant politique, religieux etc।, à savoir dire à quel pays nous appartenons. Alors, j’ai moi-même ressenti le besoin de définir d’où je venais ; Mais cette idée me perturbe, je n’aime pas l’idée de devoir appartenir à tel ou tel groupe, qu’il soit ethnique, religieux, politique, etc.


D. D : Votre approche est donc très personnelle même si vous vous êtes nourri de la lecture d’auteurs tels que Wole Sonika, Olu Oguibe ou encore Edward Saïd.


Q. Onikeku : Je ne suis pas à l’aise avec cette idée de définir le reste de l’humanité qui m’entoure comme « les autres »। Voilà, pour moi l’idée de l’exil, c’est de n’appartenir réellement à aucun groupe. Mais attention, je ne souhaite pas que l’on assimile cela à une sorte de « crise existentielle » car ce n’est vraiment pas le cas ici. Je suis, disons, dans une dynamique qui va me permettre de porter attention à la moindre partie de ce qui fait mon « MOI ». Je suis nigérian, je suis yorouba, je suis africain, je suis hétérosexuel, je suis musulman, je suis danseur, je suis tout ça à la fois, aussi pour moi ça ne fait pas sens de ne m’attacher qu’à un seul aspect de ma personnalité. Je ne veux pas avoir à choisir un aspect au détriment des autres. Evidemment, à un moment donné on est obligé de choisir, par la force des choses, de se définir par rapport aux « autres ». Je veux être dans la vie à part entière.


D. D : Il n’est donc pas question d’un exil politique ...


Q. Onikeku : Souvent, le thème de l’exil est associé à une idée politique – évidemment, on ne peut pas nier cet aspect – mais j’ai souhaité lui donner une autre dimension। En tant que danseur j’avoue que j’éprouve une certaine difficulté à m’exprimer avec les mots, et mon corps est pour moi le meilleur outil d’expression. Via la danse j’exprime ce que je suis. On pourra distinguer dans ma danse des éléments de hip-hop, de capoeira, de buto, de danse contemporaine. Ce corps est ce que j’appelle « un corps incarné » parce qu’il s’alimente de différentes choses, différents styles pour finalement n’en faire qu’un.


D. D : La danse vous paraît donc être approprié pour traiter ce thème ?


Q. Onikeku : Le thème de l’Exil pourrait d’après moi, se décliner en une multitude d’expression artistique, autre que la danse, si je voulais aller plus loin dans la réflexion. Je pourrais utiliser l’écriture, la vidéo, la musique, les jeux de lumière mais je ne tiens pas à enfermer le public dans mon exil, je veux qu’il vienne me voir performer et qu’il se divertisse devant mon spectacle. Je ne pourrais dire dans un livre, tout ce que je pense sur la question de l’Exil.

Mar 2, 2011

Dance Umbrella: My exile is in my head

By Moira de Swardt: The only international piece in the Dance Umbrella is superb.

Nigerian choreographer/dancer Qudus Onikeku who is now living in France, effectively in “exile” from the country of his birth, brought a beautiful work to Africa's largest and most important dance festival. Entitled “My exile is in my head” this work is sophisticated, slick and wonderfully enjoyable. The choreographer's intention was to deal with personal questions of home, belonging, non-belonging and exile. In a country where we have both a big expatriate community and xenophobia runs riot, literally and figuratively, through our society it is interesting psychologically to go on this journey with him.

While the use of video projections of shadow work and “words” is not new to Dance Umbrella audiences, this one is particularly well done. The lighting can only be described in superlatives and it combined to work with the video projections so well that I was somewhat surprised, on checking my programme, to discover that they were done by different people. Video conception was by Isaak Lartey and lighting by Guillaume Fesneau. The opening scene particularly, was eerie and mystic and it was the lighting which gave the work its neo-nascent appeal.

The use of the dance space was fascinating. The front left of the stage (to the right of the audience) was reserved for the musician (Charles Amblard) who performed original music on a Hawaiian lap steel guitar. The musician and dancer worked in dialogue style, the way Spanish dance accompanists do with their dancers, and Amblard never took his eyes off Onikeku. It was beautiful to watch.

The dance was filled with angst, beauty, resignation, acrobatic moves, deeply controlled moves, high energy and a spirituality that was summed up in the voice over “When I dance I am closer to God”. I know this was true because when Onikeku danced I, too, was closer to God.

The Dance Umbrella runs at various venues around Johannesburg until 6 March 2011. This performance was at The Dance Factory.

Moira de Swardt
Freelance Journalist
moirads@wol.co.za