« Still/Life » de Qudus Onikeku.
La Maison de la Danse invite à Lyon, dans le cadre du festival La Maison Sens Dessus Dessous, le stupéfiant danseur nigérian Qudus Onikeku.
Still/life, les 25 et 26 mai au Nouveau Théâtre du Huitième, 22 rue commandant Pégout-Lyon 8.
(© Sarah Hickson)
Still life signifie “nature morte”. Ce n’est pourtant pas une corbeille de fruits que peint Qudus Onikeku dans son spectacle. Séparant les deux mots d’un slash (Still/life) c’est sur la brèche qu’ouvre leur combinaison, “encore ici, en vie” que le danseur tisse de multiples variations. Les tragédies de l’histoire africaine traversent sa pièce comme autant de touches chromatiques, de fragments composant un ensemble abstrait. Pas de récit, encore moins de commentaires : Qudus Onikeku est le maître d’une cérémonie brute et virtuose qui pose cependant une question : «qu’est-ce qui fait qu’un homme peut se transformer subitement en monstre ?». La transformation d’une victime en bourreau, le tiraillement et les conflits intérieurs sont les motifs du rituel, traités comme des inspirations chorégraphiques plutôt que comme des thèmes documentaires. Formé à l’acrobatie, aux danses traditionnelles de son pays (le Nigéria) ainsi qu’à la danse contemporaine, Onikeku s’affranchit des styles et atteint un état de présence magique, subjuguant d’intensité. Sa danse est tout à tour féline et tellurique, il dévore l’espace avant de se replier, mutique ou provocateur, sur lui-même. Pour trouver ces états de corps uniques, il voyage beaucoup. Il emprunte à la philosophie yoruba, dont il se revendique l’héritier, ses préoccupations : la pluralité des mémoires, la non-linéarité du temps, le présent comme lieu ultime de la relation. Et la confronte, au fil de ses recherches et créations, aux cultures du monde entier. Un monde entier qu’il ramène, dans Still/life, sur quelques mètres carrés. L’espace y est borné par une conque de panneaux comme autant d’écrans sur lesquels la lumière peut se réfléchir et des images mentales se projeter ; une toile en morceaux, une mémoire éclatée en bris de verre entre ordre et chaos. Qudus Onikeku évolue dans ce décor sur la musique live de Charles Amblard et le chant, entre cris, ode et implorations, de Habeeb Awoko. À ce stade de complicité entre les trois hommes, on ne peut plus guère parler de solo ; chacun répond au souffle et à l’énergie de ses compagnons, dans un échange à la fois extrêmement réglé et ouvert à chaque instant à l’improvisation. Still/life, pièce créée dans une première version avec le danseur chorégraphe Damien Jallet, est une bonne occasion pour découvrir cet artiste unique et prometteur avant son prochain spectacle, Qaddish, présenté au Festival d’Avignon.
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